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Leçons de mots, leçons de choses Vocabulaire, langage et connaissance du monde dans les approches du français à l’école coloniale

Gérard Vigner

IPR/Inspecteur d’académie de lettres

 

Lorsque les autorités françaises décident, dans la fin du XIXe siècle, d’ouvrir des écoles à destination des enfants indigènes dans les territoires des colonies, se pose d’emblée la question de l’accès au français pour des élèves non-natifs de la langue. Sans disposer de méthodes véritablement appropriées, les responsables pédagogiques vont se tourner à la fois vers les méthodes en usage en France métropolitaine, associées aux principes de la méthode intuitive, et vers des solutions empruntées à la méthode directe, pour mettre en œuvre une nouvelle pédagogie du langage, pédagogie qui sera différemment déclinée selon les territoires et les langues et cultures d’origine des élèves, l’objectif étant de fournir à l’enfant les mots qui lui manquent pour s’exprimer et pour comprendre les textes qu’il va apprendre à lire. En faisant de la leçon de choses un procédé destiné à combler cette carence, on la constitue en même temps en moyen d’accès aux connaissances usuelles proches des réalités sensibles de l’enfant. De la sorte se mettent en place des répertoires lexicaux qui sont autant de formes de connaissance du monde appropriées à l’univers de vie des élèves. Empruntées à différentes taxonomies, l’époque est à l’organisation de grandes expositions universelles, d’expositions coloniales et à la production de dictionnaires encyclopédiques, ces différents éléments lexicaux font l’objet d’une mise en liste avant d’être textualisés sous la forme de courtes descriptions ou de brefs récits. Mais ces répertoires s’inscrivent en même temps dans un cadre idéologique colonial où il s’agit tout à la fois de moraliser l’enfant et de le sensibiliser à l’œuvre de conquête et de civilisation portée par la puissance coloniale. Après avoir brièvement situées les sources de ce qui constitue pour l’époque une nouvelle catégorie d’intervention pédagogique, et les conditions de leur transfert dans l’école coloniale, la comparaison avec les choix engagés dans la France métropolitaine sera éclairante, nous examinerons alors un certain nombre de ces répertoires présents dans des manuels en usage dans les colonies, ceux par exemple de Louis Machuel ou d’Irénée Carré, mais encore dans les textes des programmes mis en œuvre dans les colonies d’Afrique du nord ou d’Afrique noire.

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