La Société Internationale pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde (SIHFLES), en collaboration avec le Département de langue et littérature françaises de l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes organise un colloque international, à Athènes du 11 au 13 mai 2017, consacré à l’étude de « La culture dans l’enseignement du français langue étrangère : conceptions théoriques, programmes et manuels aux XIXe et XXe siècles »

L’institutionnalisation du français langue étrangère a eu lieu au XIXe siècle dans beaucoup d’écoles supérieures en Europe. Dans l’enseignement avancé, on s’est fréquemment préoccupé de la lecture et de l’interprétation d’œuvres littéraires. Cette exposition à la littérature française était surtout liée à des objectifs d’apprentissage esthétiques, quelquefois aussi interculturels avant la lettre. Elle était influencée par le modèle éducatif des humanités classiques, pénétrant les méthodes, les programmes et les attitudes des professeurs de langues étrangères à cette époque. Car, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les études du latin et du grec ancien intégraient de plus en plus, dans les écoles comme dans les universités, la civilisation antique, son histoire et sa géographie, en prenant également quelquefois en considération les particularités de la vie quotidienne. La nécessité d’un enseignement systématique de la culture-civilisation française, qui dépassait l’enseignement littéraire traditionnel en incluant des textes factuels, a surtout été proclamée par certains professeurs des lycées modernes ou des écoles supérieures de filles, qui consacraient beaucoup d’heures de cours à leur(s) langue(s) vivante(s). Ces institutions tendaient en général, surtout au XXe siècle, vers un nouvel objectif général de l’enseignement des langues vivantes se basant plus sur les contenus culturels que sur une « gymnastique intellectuelle » grammaticale (qui avait la réputation d’avoir été l’objectif général formatif dominant au siècle précédent).

Axes

La réflexion que nous proposons comme axe central de ce Colloque SIHFLES concerne précisémentles différentes conceptions de culture-civilisation qui se reflètent dans l’enseignement du FLE, en prenant comme point de départ soit le XIXe, soit le XXe siècle. L'idée de la culture-civilisation comme composante nécessaire de l'enseignement d’une langue étrangère a pu parfois être explicitement formulée dans des conférences ou dans des articles de revues pédagogiques, mais elle pouvait aussi parfaitement s’articuler implicitement dans le choix des textes de certains manuels ou dans les idées présupposées d’une supériorité culturelle et d’une mission civilisatrice attribuées à certaines langues, dont le français. Au XXe siècle, l’enseignement culturel, devenu un objectif d'enseignement-apprentissage valable en soi, se diversifie, qu’il soit ancré, d’une manière plutôt positiviste, dans la géographie d’un autre territoire et dans l’histoire d’une autre nation (enseignement des realia), dans le caractère d’un autre peuple perçu à travers des textes littéraires (psychologie des peuples), dans la vie quotidienne des habitants d’un autre pays décrite dans des textes de manuels didactisés (enseignement de la civilisation quotidienne) ou dans leurs manières d’agir et de penser communiquées par des textes scripturaux ou audio-visuels authentiques (enseignement interculturel). Nous tenterons de constater et d’analyser les manifestations de la composante culturelle associée (de façon plus ou moins nette) à l’enseignement de la langue française.

Il nous semble que plusieurs « conceptions » de la culture se dégagent de l’histoire de l’enseignement des langues en Europe. L’enseignement de la « culture avec un grand C », des realia, de la psychologie des peuples, de la civilisation quotidienne et de l’apprentissage interculturel forment cinq approches, peut-être même les cinq approches principales de l’enseignement scolaire et universitaire de la langue-culture dans l’Europe des XIXe et XXe siècles. Il s’agira ainsi en premier lieu de définir les contours de chaque conception ainsi que de voir si d’autres conceptions peuvent être dégagées.

Une seconde question que nous nous posons est de savoir à quelles époques et sous quelles influences ces approches se sont formées et développées dans les différents pays d’Europe, dans certaines zones géographiques européennes, voire dans les colonies françaises, et éventuellement à quelles périodes elles ont, chacune à leur tour, dominé cet enseignement. Ces cinq (ou éventuellement six ou sept… ?) conceptions culturelles peuvent être définies par des approches théoriques spécifiques ainsi que par des objectifs, contenus, supports et techniques d’enseignement prototypiques. En principe, selon les particularités de chaque intervention, il sera possible d’en traiter une ou plusieurs. Les exposés pourront concerner le domaine scolaire ou le domaine universitaire ou combiner les deux domaines. L’analyse dans les conférences pourra se baser sur des manuels, mais aussi sur des programmes d’enseignement et/ou sur des publications théoriques. Les études sur la « réception » des œuvres littéraires du pays étranger dans les manuels scolaires n’auront d’intérêt que si elles contribuent à pointer des stéréotypes ou à les combattre.

L’objectif de ce colloque est ainsi de dresser un premier bilan des conceptions de l’enseignement-apprentissage de la culture dans les divers pays européens, qui pourrait aboutir à une continuation approfondie dans le cadre d’un projet européen comparatif ou d’une autre possibilité de subvention scientifique. Il serait en effet intéressant d’analyser au niveau européen si l’on peut constater la présence de ces conceptions dans les programmes scolaires et les manuels de différents pays européens ainsi que, le cas échéant, de répertorier à quelles périodes et sous quelles formes diverses et variées elles y apparaissent.