Colloque international
Catherine Tamussin
Institut national des langues et civilisations orientales
La loi de 1924 sur la réforme de l’enseignement secondaire permet, pour la première fois dans l’histoire de l’enseignement des langues en Hongrie, l’introduction de cours de français, d’anglais et d’italien à côté des cours d’allemand, langue obligatoire dans le pays depuis la fin du 18e siècle. Dans le cadre de cette réforme apparaît dans les instructions officielles un nouvel objectif spécifiquement « culturel ». Rattaché à la conception allemande de Kulturkunde, il vise à introduire un enseignement de la culture de la langue cible dépassant l’approche purement littéraire.
Dans les pages de la revue pédagogique Magyar pedagógia, le vif débat suscité autour de la traduction du terme Kulturkunde en hongrois montre déjà la difficulté à tracer les contours de ce nouveau concept. De même, l’interprétation très large qu’en donne les rédacteurs des instructions officielles tend à embrasser des représentations très différentes de la culture tantôt vue comme enseignement de la civilisation, tantôt vue comme enseignement de la littérature, tantôt vue de manière plus psychologique comme la connaissance de « l’âme d’un peuple » avec en filigrane une vision essentialiste du caractère des peuples.
Cet éclectisme se traduit au niveau des manuels par des approches variées. Dans les niveaux débutants et intermédiaires, les supports proposés (courts textes descriptifs, dialogues, lettres, carnets de voyage) apportent des éléments culturels sur la vie quotidienne, la géographie et l’histoire tandis que dans les niveaux avancés, la démarche reste essentiellement axée sur l’analyse de textes littéraires dans une optique de prise de connaissance de la mentalité française, du « génie français », des courants littéraires français et des valeurs universelles véhiculées par la culture française.
Enfin, si les instructions officielles exhortent, dans le cadre d’une pédagogie active, à éveiller les élèves à leur propre culture justement en développant leurs capacités d’observation et de déduction quant aux valeurs véhiculées par les textes littéraires français, les modalités de mise en œuvre proposées pour cela restent très floues. Néanmoins, semblent se dessiner ici les prémices d’une stratégie de décentrage culturel allant au-delà de l’accumulation de connaissances factuelles, géographiques, historiques ou littéraires et ouvrant la voie à une démarche comparative.