Colloque international
Véronique Castellotti
Marc Debono
Université François-Rabelais, Tours
Nous nous intéresserons à l’histoire de la récente discipline qu’est la DDL [1], en proposant une interprétation de l’évolution des « idées didact(olog)iques » qui ont accompagné l’enseignement de la civilisation/culture, particulièrement depuis les années 50-60, en gardant à l’esprit le fait que l’enseignement de la culture est à « très haute teneur idéologique » (Porcher, cité par Argaud, 2006 : 1), sans doute particulièrement en FLE, la « maison mère » étant une ancienne puissance coloniale, entretenant avec sa langue et sa littérature un rapport complexe.
Mais quelles idéologies ont présidé à l’évolution de la conceptualisation didactique de l’enseignement culturel par les didactologues ? « Le contraire d’une idée perverse ne produisant pas nécessairement une idée vertueuse » (Latouche, 2007), nous tenterons de montrer que les légitimes combats menés contre des conceptions coloniales (voir les prises de position en ce sens dans A. Reboullet, dir., 1973), ou élitistes/« aristocratiques » (Porcher, 1976 ; Coste, 1994) de l’enseignement de la civilisation/culture en FLE/S ont abouti à la (sur)valorisation d’une idée de la culture à enseigner, en réaction à des conceptions représentées comme « traditionnelles » de celle-ci.
Aussi, nous chercherons à mettre en évidence les éléments sous-jacents, néanmoins agissants, du passage d’une ambition décolonisatrice et/ou anti-élitiste à une vision pragmatique-utilitariste, relevant d’une épistémologie relativement bien identifiable (pragmatisme), et très « idéologisée » malgré les apparences ; idéologie qui peut, à son tour, poser certains problèmes (surtout si elle reste implicite et non pensée comme telle), notamment :
- la difficulté du renouvellement d’une didactique de la littérature en FLE (cf. Godard, dir., 2015), qui cherche souvent à se conformer à la doxa didactique dominante (cf. les tentatives récentes de conjuguer littérature et perspective actionnelle, voir Anderson, 2015),
- un repli sur des aspects « anthropologiques » parfois anecdotiques, aux dépens des fondements historiques des aspects culturels,
- un décalage avec certaines aspirations des acteurs « de terrain » dans certaines situations d’E/A du FLE. Si, comme l’expliquaient Galisson et Coste (1976) pour des raisons socio-historiques évidentes, un apprenant algérien peut avoir envie de réduire la langue française à une « langue ‘instrumentale’ », et donc la culture française à ses dimensions anthropologiques, pragmatiques, tel n’est pas le cas de nombreux apprenants de FLE, qui cherchent encore aujourd’hui l’accès à une « culture cultivée », bien souvent littéraire (cf. par exemple, Besse, 2009) et à une « tradition culturelle », au sens de la Bildung (Berman, 1984). Le risque est alors que la didactologie du FLE ne prenne pas en considération ces aspirations, en s’enfermant dans une doxa idéologique uniformisante, produisant d’inévitables sentiments de déception,
- mais aussi (peut-être ?) un engagement de la DDL dans la voie d’autres formes de « colonialisme » (économique, technique, etc.) ?
[1] Notre intervention ne portera donc ni sur les discours institutionnels de la politique linguistique et culturelle française, ni sur les pratiques de classes.